A toi Alexandre, notre grand frère au cœur pur

Tu es né à la Chaux de Fonds en 1956. Ta maman y vivait avec sa soeur lady et son amie Paule. Elle travaillait comme secrétaire chez un architecte et cousait déjà ses habits elle-même dans des tissus d'ameublement. Ton papa était graphiste à Bienne ; dormait sur son lieu de travail, il se rasait à la fontaine et quand il se promenait dans la rue on lui criait « Gérard Philippe !! »

 

Ils s'étaient mariés en bleu et étaient partis en voyage de noce aux Saintes-Marie-de-La-Mer en auto-stop. A ta naissance ils habitaient un appartement dans un immeuble locatif à la Chaux-de Fonds, conçu par l'architecte Le Corbusier.

 

Rapidement, pour des raisons financières, ils se sont installés à Bossonnens dans la maison paternelle. Une seule pièce chauffée et pas de salle d'eau mais tu mangeais sur une table Teo Jakob à 3 pieds et tu buvais ton lait dans un fauteuil baquet en rotin sur des coussins noir et blanc. Au dessus de ta table à langer, une fresque animalière peinte par ton papa. Ton univers de jeu dehors, dans la nature et il fallait tout créer, tout inventer.

 

A notre arrivée à Attalens en 1966 la fratrie était complète.
Emanuelle née en 1959, Joséphine en 1964 conçue à Copenhague lors d'un des rarissimes voyages à l'étranger de tes parents et Simon le petit dernier en janvier 1966.

Et là ce fût la fête ! Nous y avions chacun notre chambre, maman put laisser libre cours à sa créativité, à ses envies autant sur le plan vestimentaire que dans le design, dans une incessante recherche de nouveautés et de moyens financiers pour les réaliser. Papa peignait dans son atelier spacieux et lumineux.

 

Alexandre !! Ton univers artistique était né et tu t'y adonnais à coeur joie. Très jeune, à l'occasion de concours de dessin, tu as gagné ton premier pick-up et ton appareil photo instamatic. Nous écoutions

« j'aime les filles » de Dutronc et partions à l'aventure.. déjà faire des photos. Tu fus mon pygmalion et moi ta muse, la première. Bien d'autres ont suivi. Ta préférée et bien-aimée Jeanette, que tu as rencontrée à Zürich. Tu fréquentais alors la Kunstgeverbeschule en photographie.

 

Rien ne laissait paraître ton extrême sensibilité, ce premier chagrin d'amour fut l'élément déclencheur. La blessure était profonde et ne cessa de grandir. Le terrain était propice... mais tu sus rebondir avec une force incroyable !

 

Suivirent les belles années avec ta soeur Joséphine devenue make-up artist. Nouvelle muse que tu emmenas dare-dare dans ce monde de VIP, de nuits sans fin, mais principalement de travail incessant et fructueux. Ce fut une collaboration débordante de Glamour et d'Amour : 10 ans de folie créative à Paris, Zürich et à travers le monde.

 

D'un jour à l'autre tu abandonnas la photographie dénaturée par l'ère numérique que tu balayas d'un regard courroucé et désenchanté.

 

Nouvelle histoire d'amour, nouvel espace de travail au fameux bar de la See-Rose à Zürich où tu pouvais laisser libre cours à ton extravagance et à ton originalité.

Rien n'était trop beau, ni trop fou !

 

Puis la rupture amoureuse et les années sombres qui s'ensuivirent.

Et petit à petit tu en es revenu. D'abord vers maman, plus tard vers nous. Tu mis tout ton coeur et ton énergie à cultiver et sauvegarder l'héritage familiale et l'oeuvre de Charles Cottet dans un dévouement incommensurable.

 

A la croisée des chemins Filippo fut ton ultime feu d'artifice, ton chant du cygne dans le laisser vivre d'un amour sensuel et sincère.

La maladie t’a rattrapé et la maison d'Attalens fut ton dernier port d'attache. Tu y vécus serein dans la proximité rassurante et bienveillante de ton frère Simon.

 

Emanuelle Cottet le 17.11.2022